Certaines
œuvres picturales ont survécu à des aventures parfois
rocambolesques; parfois certains tableaux n'ont fait que peu de
chemin entre l'endroit où ils ont été peints et l'endroit où ils
sont accrochés maintenant.
Des
Buffet au Japon, des Matisse à Philadelphie, des Breughel à
Vienne...
D'autres
ont des parcours plus surprenants.
Ainsi,
un jour d'avril dernier, un quidam m'appelle de Carpentras et de but
en blanc me demande quelle est ma cote de peintre.
À
vrai dire, je n'en ai aucune, si ce n'est l'habitude pour le commun
des peintres de se fier à une estimation de 1000 euros le m2, ce qui
pour certains par ici est encore bien surévalué et hasardeux.
Il
finit par me dire qu'une toile de moi est déposée aux « Emmaüs »de
Courthézon.
Je
lui demande laquelle c'est, il me promet l'envoi d'une photo que je
découvre quelques jours après...
Une
toile peinte en 1996, que j'avais même présenté au concours de
peinture de la MAIF à Metz.
Il
faut dire de suite que je ne gagne jamais rien dans ces concours, si
ce n'est à être connu et surtout méconnu...
Une
amie de ma compagne, alors à l'IUFM, aimait bien ce tableau et me le
dit.
Elle
se mariait quelques temps après, ce fut notre cadeau de mariage.
Elle
suivit son mari dans ses pérégrinations professionnelles à travers
la France.
Il
y a 4-5 ans nous dinâmes ensemble à leur domicile d'alors...
Jonquières,
à coté de Courthézon.
Qu'a
t-il bien pu arriver pour que mon œuvrette se retrouve chez l'abbé
Pierre ?
De
passage en Provence, je me rendis sur place.
Il
était accroché, seul sur un mur, le bric à brac du lieu écarté.
Les
compagnons l'avaient pour ainsi dire isolé, pour mieux le voir, et
l'un d'eux me confia qu'ils venaient souvent le voir, s'assoir devant
en buvant un café et pour certains se raconter des histoires.
Ma
présence fut rapidement sue et une demi de douzaine de garçons
vinrent me serrer la pogne chaleureusement en me bredouillant des
remerciements, des félicitations ou des blagues avec de larges
sourires, parfois édentés.
La
croûte est a 140 euros...
Je
ne l'ai pas rachetée, comme je l'avais envisagé.
Et
puis, elle est bien là, parmi ces gens qui l'aiment.
Advienne
que pourra.
Dois-je
encore offrir ma production ?
Une
autre toile offerte pour le mariage d'un couple très proche, est
dans la chambre de leurs enfants, coincée derrière le lit, menacée
par les chahuts, les ouvertures de portes intempestives ou les
colères adolescentes.
Dans
leur salon trônent les gravures offertes à l'achat des canapés...
J'ai
récupéré un triptyque de 1974 dans la cave de ma sœur, qu'un
vieux copain à qui je l'avais « prêté », lui a laissé
quand il a déménagé.
Comme
disait un ami commun: « chez lui, c'est des murs
d'hôpital! ».
Quant
à ma sœur, elle eût aimé le garder, mais elle en a tellement sur
ses murs qu'il n'y a plus de place.
Heureusement,
à quelques kilomètres d'ici, une toile offerte pour leur mariage,
est accrochée en majesté dans le salon d'un couple d'amis.
J'ai,
aussi, quelques fans.
Mais
comment ne pas rapprocher cela d'un autre phénomène curieux:
l'attitude des directeurs de salles de spectacles, programmateurs
éclairés de programmations belles comme des Mona Lisa ( c'est eux
qui en sont persuadés ) et qui ne répondent jamais , ou presque,
aux sollicitations du marionnettiste que je suis par ailleurs...
Et
quand réponse il y a, cela donne toujours ceci:
«
je ne connais pas ton travail, je n'ai jamais rien vu de toi, je ne
peux pas te programmer »
Avant
cela me faisait enrager, car invités, aucun d'entre eux n'avait
jamais fait les 100 ou 130 km qui le séparent d'Abreschviller.
Maintenant,
je me marre.
J'ai
changé mon balai d'épaule.
Je
leur propose une expo de mes toiles, dans leur hall d'entrée au
moment des spectacles de marionnettes, sur le thème: « Peinture
et marionnette » avec des courriels richement décorés de mes
images.
Impossible
de répondre qu'ils n'ont rien vu.
Et
ben ! Devine ?
Silence
complet.
Je
ne vais quand même pas développer le concept « d'artiste
maudit » !